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digression N° 1a :
digression N° 1b :
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La suite logique :
Or donc Ras Tafari, suite à la "prophétie" d'un autre voyant (Marcus Garvey, qui avait annoncé au peuple jamaïcain la venue imminente en Afrique d'un grand monarque de couleur), et avant d'être vénéré de son vivant par les pionniers Rastas (souvent avec un profond respect et non pas une déification), fut en 1930 le premier souverain Noir reconnu par les monarques et dirigeants de son temps (la Couronne d'Angleterre ou de Gaule par exemple). Non content
de régner sur une Ethiopie indépendante, il revendiqua une certaine
dignité, afin de pratiquer enfin des relations diplomatiques internationales.
Les historiens ont de fait retenu la trilogie chronologique : Union / Résistance / et Guerre Sainte (quasiment, ou "guerre de religions" si tant est que ces désignations puissent avoir un sens). Mais ce travail de libération fut commencé par son prédécesseur Ménélik II, (dont Haïlé fut Régent de la fille, la jeune Impératrice Zauditu)... Celui-là même qui attendait la caravane conduite par Rimbaud ! Les deux Négus successifs s'illustrèrent par des victoires militaires sur les italiens colonialistes d'abord, puis fascistes avec Mussolini. (Si Haïlé Selassié affirma l'identité de l'Ethiopie, son indépendance fut originellement le fait (d'armes) de Ménélik II avec la célèbre victoire d'Adowa en 1896)(... soit 9 ans après la fourniture). Cette bataille fut représentée sur la double page centrale d'un album célèbre de Bob Marley (" Confrontation ").
En effet,
la prise de pouvoir, unificatrice, sur les diverses régions éthiopiennes,
et plus propice à la paix, face aux envahisseurs (arabes ou européens),
se dessinait déjà dans ces mêmes contrées désertiques
où Rimbaud chevauchait. Les querelles intestines se réduisirent, dans la contrée.
¿“trafiquant d'armes” ou “négociant en armes” ? “ Un marchand d'armes
qui se respecte (?!) se doit de vendre sa quincaillerie aux deux camps opposés.
Il a l'esprit large ...
Dans sa correspondance au Consul de France (qui, au minimum, lui donna l'aval pour son nouveau négoce ...), Arthur maugrée, suite à de mauvaises transactions et des complications juridiques face à trop malin et plus puissant : (" Pour moi, je suis convaincu que le Negous m'a volé, et, ses marchandises circulant sur des routes que je suis encore condamné à parcourir, j'espère pouvoir les saisir un jour, pour la valeur de ce qu'il me doit, de même que j'ai à saisir le Ras Govana pour une somme de 600 thalaris [...] ") Était-ce générosité déguisée ? (A. Rimbaud était réputé charitable dans le pays ; peut être un peu trop connu à la fin pour ne pas attirer les profiteurs malhonnêtes...) Le Voyant conduit dans le noir, ce n'est qu'avec le recul du temps que l'on se rend compte de la logique des choses, et comment le destin utilise les hommes de bonne volonté... S'ils savent s'exposer (au bon moment, au bon endroit, selon leur inspiration).
Les tribulations du Fulgur', jusque-là sont estimées à 60 000 km (soixante mille) minimum (à pieds la plupart du temps) de Stockholm à Antotto, en passant par Londres, Bruxelles, Vienne, Milan, Livourne, Alexandrie, Suez, Aden ou Djibouti entre autres villes parcourues.
Ainsi, l'aventure d'Arthur est celle d'un poète, "voyant", devenu épicier à l'étranger par dégoût de la médiocrité, et afin de valider socialement un statut d'explorateur * que l'administration tardait à lui décerner ; puis qui partit combattre, à sa façon, le fascisme juste AVANT que celui-ci n'existe officiellement ! * (On note que parmi ses nombreuses démarches, il y a aussi celle d'une demande écrite de rétribution pour explorer professionnellement le continent).
Pour résumer, il se fit commerçant (une "couverture") afin d'être libre de voyager, et voyageur pour dissimuler son penchant à vouloir fréquenter les héritiers d'épiques personnages bibliques ; ou coraniques. Il faut savoir que déjà son père (qu'il a peu connu, et pour cause ...) avait séjourné en Afrique du Nord, et en avait ramené des ouvrages en arabe, dont le Coran. " Les gens du Harar ne sont ni plus bêtes, ni plus canailles que les nègres blancs des pays dits civilisés ; ce n'est pas du même ordre, voilà tout. Ils sont même moins méchants, et peuvent, dans certains cas, manifester de la reconnaissance et de la fidélité. Il s'agit d'être humain avec eux qui le sont parfois davantage ... " Harar, 25 février 1890. " Et puis n'est-ce pas misérable, cette existence sans famille, sans occupation intellectuelle, perdu au milieu des nègres dont on voudrait améliorer le sort et qui, eux, cherchent à vous exploiter " Harar, 4 août 1888. A working class hero ... (Ailleurs, déjà Arthur avait relaté comment " les habitants reçurent [Jésus] avec une joie curieuse : ils l'avaient vu, secoué par la sainte colère, fouetter les changeurs et les marchands de gibier du temple ". Écoeuré sans doute par une persistante odeur de merguez mêlée à l'encens...)
" Et socialement parlant " ... On sait aussi qu'il expliquait, en petit comité, le Coran aux villageois qui le désiraient. Peut-être, également, d'autres textes édifiants. De là, l'idée d'en faire un missionnaire (de "l'Ame Universelle" ?) au lieu d'un colon (puisqu'il n'était pas un trafiquant), il y a un pas _ que nous ne franchirons pas ... (car peut-être en deçà de la vérité). De toute façon l'activité de Rimbaud en Orient est paradoxale, comme l'a été son abandon de l'écriture livresque juste après son précoce triomphe et sa volonté pourtant affirmée de se faire éditer. Mais on peut établir une certaine continuité dans son effort d'informer par et avec l'écrit. Également, un besoin constant de savoir. Plus riches et plus connues (mieux partagées) que sa littérature, les Écritures l'intéressent car elles parlent de ce qui s'est passé ici même, sous ce soleil écrasant d'Abyssinie. Comme il connaissait une dizaine de langues et dialectes, il pouvait donc se plonger dans l'écriture locale utilisée dans les très anciens textes apocryphes. Une autre forme de poésie... Instinctivement peut être cherchait-il les fameux "Manuscrits de la Mer Morte" (encore inconnus à cette époque). En quelque sorte il pouvait lire la Bible dans le texte et voir l'Histoire en V.O. Et c'est peut-être d'ailleurs ces lectures et le souci de participer activement au quotidien décrit qui poussèrent Arthur à partir pour cette lointaine contrée. Qui sait ?
Mais comment croire une seconde, qu'il ne chercha à maîtriser tant de dialectes et de langages, uniquement pour poser des colonnes de chiffres comptables, rédiger ses déplorations habituelles à sa famille, et s'entretenir de commerce avec des notables (toutes traces écrites qui sont restées, de cette période où l'action prévalue sur l'écriture poétique, et qui ont donné une image de lui passablement réductrice, aux historiens comme aux populations a-poétiques, toujours frileuses d'entrevoir l'indicible) ? Le matérialiste voit le profane partout ...
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