digression N° 4

" autoportrait d'une gargouille "

 

Même si cela est moins pénible que de s'identifier à un numéro, se vivre comme une carte de visite en 3D, ou comme un état civil en goguette, est-ce bien satisfaisant ?
Un simple prénom, même prononcé affectueusement, ne peut résumer le curriculum vitæ attenant. Il y aurait des limites à dépasser ...
L'omniprésence du symbole en vitrine, itinérant tel l'insigne stryge, emblème coriace de l'ego-goule, errant entre les plans intimes du physique, du mental et du spirituel.
Il y a toujours une problématique identitaire qui mérite que l'on s'y attarde un instant.
Comme pour se donner un coup de peigne en passant devant la glace...
Objet du constat :
Le vampirisme de son regard.
 
S'il n'est d'amour, le regard est cannibale.
Bien élevé à l'amour-propre, qui absorbe le spontané avec une paille, (pendant que d'autres en oublient la poutre qu'ils ont dans l'oeil ...) il est phagocyteur tout de même. L'égotisme, tournant en boucle autour de son nombril propice, rend facilement exsangue d'inventivité.
Heureusement, l'ego dispose bien d'une composante narcissique, mais sans crainte de s'y noyer corps et âme (comme le Narcisse dans l'eau de son reflet). Il s'apprécie, se mesure, sans trop de risques de se dissoudre en vaine auto-célébration, une fois repu de fatuité. Car l'ego lorsqu'il se regarde sait qu'il s'affaiblit. Alors sa soif se porte sur le monde extérieur et ses dents pointues font siffler les mots-hameçons.
Objectivement, l'ego est une entité boulimique qui se nourrit du regard des autres. Les autres excroissances égomaniées, pour leur substitution en masse anonyme vaguement élégiaque, sont niées le plus souvent. Même le flatteur, qui vit " aux dépens de celui qui l'écoute ", mérite toute notre condescendance. Remarquons pourtant qu'il y a une certaine coquetterie à prétendre, comme dans Sartre, que " l'enfer c'est les autres ", tandis que chacun de nos neurones reste à l'affût d'une connexion roborative avec le maximum de neurones disponibles dans la galaxie ...
L'intelligence c'est de considérer chaque Etre rencontré comme un supplément de matière grise, comme un catalyseur d'âme(s) .
Mais le dithyrambe sied à l'ego qui ne peut se hisser au pinacle qu'en s'appuyant sur la tête des voisins forcément discriminés. C'est donc la loi du plus fort qui prévaut, ou du plus chanceux (si l'on tient compte du fait que quiconque a disposé de la caisse de résonance médiatique, le doit le plus souvent au hasard des circonstances, ou à la proximité des accointances).
L'Ego est nécessaire mais insuffisant, pour grandir l'individu. Puisque l'individu n'a de valeur, non par le taux d'estime qu'il suscite chez les autres avec ses épatantes qualités, définitivement intrinsèques, et si radieuses une fois débarbouillées ... mais par ses actes.
(Le plus charismatique des "specimen" comme la plus enjoueuse des "speciwomen", ne seront jamais que des VRPs* en VIPs).

*(Very Representatives Personnes).

Le tarif pour un geste déplacé peut être supérieur à la somme des actes secures accumulés durant des mois... (L'Ego est d'ailleurs toujours le mieux placé pour connaître les répercutions de la conduite autonome, et c'est peut-être là sa fonction essentielle : établir le bilan top-secret d'une vie chaotique , compiler le karma). L'Ego est un backup* prêt pour tous les jugements derniers. Son regard dans le miroir est une jauge.
Quand on veut se nourrir il est préférable de viser sa propre bouche avec la fourchette garnie, mais on ne s'alimentera jamais que de ce qui a été préconçu ... C'est le problème de l'Ego : il entérine ses trouvailles, sans fulgurance possible, sans fantaisie vierge.
 
Puisque, vu de l'extérieur, l'individu se résume à un mouvement chronologique, sa vie devrait être, par conséquent, son chef-d'oeuvre particulier. CQFD avec Rimbaud par excellence ; pour l'exemple.
Et c'est là qu'il conviendrait de savourer le fait que la Poésie soit peut-être cette assimilation salutaire de la vie quotidienne, (usuellement plutôt planifiée), à une oeuvre jouissive en cours d'échafaudage (malgré toutes les pressions déshumanisantes).
" Je est un autre " nous dit le proto-poète qui se sait observé, afin de mieux s'approcher de nous. Masqué aux yeux scrutateurs des autres prototypes assoiffés de " poésie vécue " (cf. Alain Jouffroy), tapis dans l'ombre de la rampe. Et sûrement déstabilisés, comme peuvent l'être tous ceux qui savent combien c'est compliqué d'être des humains à part entière, dotés d'une boîte noire, on s'en souvient, (car backup ou pas, le doute est là).
Il sait que l'on sait. Nous savons qu'il le sait.
 
Au XIXème siècle on constata que l'Ego est un funambule qui avance muni d'un long et lourd balancier (le Surmoi), juste au dessus des pieux dressés de l'Ignorance, ou des gouffres béants de l'Inconscient. Alors pour ne pas se casser la figure, le Fulgur' préconisait d'aller vite sur le fil (du rasoir), sans hésitation, et sans regarder trop longtemps en bas.
Comme un éclair le long du paratonnerre.
 
Ou d'une façon plus sereine, les mains libres dans cette image funambulaire, le Surmoi se représenterait aussi par les installations qui tiennent le filin, ces poteaux chromés qui bornent le périlleux trajet ; et l'Inconscient serait le filet tendu au-dessous, pour amortir l'éventuelle chute (danger récurrent d'une folie passagère). Plus prêt de la conscience, le rejeton Subconscient, quant à lui, serait ce harnais au bout d'une corde, qui permet de grimper sans effort sur la nacelle de départ, ou de descendre à l'arrivée avec grâce.
Chez les singes, on sait qu'on ne doit pas montrer son postérieur à n'importe qui, n'importe comment : il y a des règles dont chacun est le dépositaire (dans son Surmoi, gravées en capitales). Tandis qu'aux antipodes, l'Inconscient (en italique ...) reste le garant de notre existence improvisée ; par contraste avec notre existence suscitée (neuf fois sur dix).Même pendant le sommeil paradoxal de l'Ego (cf. reset) , ça se tient.
Les piquets-à-huîtres dans la baie du Mont Saint Michel, sont rassurants parmi les sables mouvants. Et notre vitalité spirituelle, si collective, peut fluctuer en fonction de marées changeantes.
En définitive, notre psyché, adaptée aux espaces infinis, tout en restant très praticable par les sentiers battus, ne demande qu'à palpiter.
Pendant que ce surmoi qui garantit notre appartenance, consentie ou voulue, à un groupe, réclame l'inconscience pour en exploser les limitations territoriale, le rêve se propage.
Qu'on le veuille ou pas, l'individu, différencié par son fidèle code génétique, (son "image de marque", comme on dit en marketing), marche en éclaireur au milieu de ces contrées non arpentables, (mais balisées). Au risque de réveiller le somnambule qui dort en chacun de nous ...
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 Et pour faire un paralléle avec la philosophie extrême-orientale consulter donc
les fiches sur le Yoga syncrétique

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