À sa mort, Isabelle, qui le veillait, a eu l'impression d'une illumination mystique chez son frère (et Arthur avait accepté finalement les sacrements chrétiens de l'aumônier de l'hôpital, tout en soupirant régulièrement " Allah Kerim " (ce qui signifierait " Dieu sait ce qu'il fait " ou " Dieu est généreux ") ...

À propos, (pour les collectionneurs), ce sont donc ses " derniers mots ", exotiques comme souvent ; et rendant toute parade rédhibitoire comme toujours).

Pourtant ce lascar, généralement disert, est muet sur ses croyances ; car il sait que tant qu'il doutera, il pourra croire ...

Le Fulgur' a eu vraisemblablement trop de certitudes, par le passé, pour pouvoir se prétendre "pratiquant", (surtout en semi-professionnel). Alors, ensuite s'il rédige une lettre, ce sera anodin, eu égard à sa béance intérieure, par politesse envers sa foi informulable ...

Dans le no man's land de " son coeur ambre et spunk "(sic).

(Même s'il fut, lui aussi, un auteur "apocryphe" dilettante avec ses " * Proses Evangéliques " écrites au dos des manuscrits retenus pour " Une Saison en Enfer ")

D'une façon analogue, cet artiste qu'on appelait le "pape du Pop Art", Andy Warhol (1929-1987), rédigea ses 'Mémoires' posthumes, en lisant au téléphone presque tous les jours à une correspondante chargée de les publier plus tard, ses notes de frais et factures diverses (taxi etc) ...

   Arthur en voulait à la religion qu'on lui avait donnée après sa naissance, de ne pas satisfaire sa soif d'absolu, tout en lui suggérant pourtant des perspectives jusqu'au-boutistes, voire extrémistes (dans le plus médiocre des cas), mais paraissant impraticables, sans titre de transport ...

(cf. "Mon royaume n'est pas de ce monde" comme disait Jésus à qui voulait bien l'entendre).

Une des rares illustrations poétiques de son attachement à une tradition de spiritualité se trouve dans un texte exceptionnellement alambiqué sur le sujet, (mais fluide comme cette absinthe qu'il affectionnait, véhémente et fraîche) :

Sauvage (dans les deux sens du mot) oecuménisme avoué, le plus large possible ; aussi fort que son rejet en bloc de l'hypocrisie et de la suffisance.

Comme l'explique Yves Bonnefoy (dans " Le Nuage Rouge ") à propos de cet ésotérisme dont Arthur était friand : " Sachant que la présence d'une idée est plus créatrice que sa formule, [R] désirait se placer en son propre texte comme devant des mots de sibylle". Car ça se travaille sur le terrain d'être prophétesse ou Voyant ... ou alors, à l'inverse, il faut être d'une explicité chronique (comme dans tous ses courriers).

   Quand Rimbaud parlait du poète, il va de soi que c'est de lui qu'il s'agissait ... Cela peut être une piste pour mieux le connaître ...

" Le poète serait vraiment un multiplicateur de progrès " écrit-il en 1871.

Un bon professeur ?

Un enthousiaste agitateur ?

Un bienfaiteur de l'humanité ?

Un type agréable à fréquenter ? ...

En tout cas, pas vraiment un justicier :

" La vision de la justice est le plaisir de Dieu seul " note-t-il un jour.

Existentialiste à rebours, (et avant l'heure) : sa non-existence avouée dans la deuxième partie de sa vie, inutile mais presque frénétique, succède à son envol d'essence poétique, sciemment abandonnée.

Comme en mathématiques, deux négations valant une affirmation, le principe existentialiste : "essence puis existence" semblent devenir chez lui "reniement", puis "absence" (constants antonymes de principe, après l'apparence).

banc-titre :

A.R. aurait-il voulu, sa vie durant, prêcher par l'exemple ?

Puisqu'il semble maintenant patent, qu'il se retint de penser à créer une sorte de nouvelle religion, ou de tenter de devenir l'épicentre apostolique d'une secte. (Pour qu'une telle opération soit probante, il faut sortir de l'expérimentation individuelle, toute poétique, afin d'établir une communion spirituelle consensuelle ; ainsi que se forcer à fonder des rituels extravertis ; et même imposer des dogmes sans autre forme de témoignages ... Rien bien dans le caractère du Fulgur' !).

Autre hypothèse de vocation d'exemple : Aux dernières nouvelles, il aurait cherché à ouvrir la Route de ... l'Ivoire (peut-être, cela en connexion avec le récent Canal de Suez) (cf. Pierre Brunel).

Il s'appliqua ainsi à trouver les meilleurs passages inconnus des européens, dans ces espaces encore dangereux topographiquement et aussi "politiquement" ; mais ce projet ambitieux, alors écologiquement viable, et déjà relativement avancé, avorta principalement pour des raisons commerciales (monopole de Menelik).

À défaut de se proclamer esthète, arrivé à maturité il tentera véritablement d'être un pionnier. Une autre forme de "délire" (sa marque de fabrique depuis longtemps) ...

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